Supermission, une tête de poupée, un masque de théâtre datant approximativement du 1er & 2ème siècle après J.-C. … Le chien de sa voisine ou encore un heaume de chevalier. Parmi cet accrochage de portraits étêtés, certains proviennent d’un salon de toilettage, de musées d’Art et d’Histoire fribourgeois, de souvenirs comme ce casque de Kawasaki qui aurait pu appartenir à un membre des Daft Punk.
C’est un inventaire à la Maeder où tous les personnages sont mis sur pied d’égalité, arts premiers, figures populaires ou icônes domestiques.
À l’origine, ce ne sont que de simples photos. Voire des photos de photos. Une banque d’images personnelle dont il se sert pour des explorations. Des expérimentations marouflées sur bois. Il n’y a ni recadrage, ni photoshop ou retouches cosmétiques, ces portraits sont tel que pris sur l’instant. Marcel n’est pas photographe, il prend des instantanés qui sont des tranches de vie, des souvenirs, des post-it visuels. Là-dessus il applique ce qu’on peut voir comme un brouillage d’images, à coup de milliers de hachures Caran d’Achées. Un travail mi fourmi minutieuse qui pourrait s’apparenter à de la broderie si son outil n’était un pinceau souple ligaturé par du scotch.
Plus qu’un brouillage, c’est un brouillard dans lequel il nous incite à plonger, qu’il nous pousse à traverser, et à repousser les effets obscurcissants pour redécouvrir ledit portrait. Chaque millimètre y est peint. Des cut-up y sont opérés. La répétition des visages est comme une foule bruissante, mais silencieuse.
S’il y a une forme d’abstraction évidente, il est d’abord question ici d’introspection. En recouvrant ces visages, il les révèle à eux-mêmes, il leur donne une seconde vie, plastique ou iconique, et peut-être même une troisième pour qui veut bien se laisser engager dans une prise de tête à tête.
Parce qu’on ne sait plus forcément ouvrir les yeux, mais que ceux-ci restent les portes de nos âmes, Marcel Maeder nous demande de les écarquiller. Et c’est alors tout un monde intérieur qui semble nous « happeler ». Car ces portraits ont tout un tas d’histoires à raconter pour qui veut bien les écouter.
Un portrait réalisé, c’est une part de réalité. Historiquement parlant, c’était même une forme d’immortalité. À l’heure de l’instagrammabilité jetable, le portrait n’a plus grand-chose à dire hors la selfisation de son moi et la vacuité de son inintérêt.
En choisissant un bestiaire du quotidien, en peignant le rien et en questionnant le néant, Marcel nous force à nous arrêter et à nous questionner sur le regard que l’on porte. Sur soi, sur les autres, sur le monde…
Maxime Pégatoquet